Après François Bayrou, Bernard-Henri Lévy et Ségolène Royal, cette fois c’est Jacques Attali qui accepte notre invitation. Le conseiller (occasionnel?) de Sarkozy à rendu ‘son’ rapport de la Commission pour la libération de la croissance française au Président de la République le 27 janvier 2008. Il est donc aujourd’hui le 4e invité de « Sous les pavés… » Une émission à suivre en trois épisodes…
Ci dessous, la première partie. Rencontre des journalistes et ITV face à face
Nous sommes dans la loge maquillage,
avec Emilie Raffoul, de Canal +, responsable de Jeudi Investigation qui
est arrivée en retard, Guillaume Duval, rédacteur en chef
d’Alternatives économiques, un peu plus tendu que les autres, mais qui
nous réserve des question “pointues”, et Bertrand Delais, journaliste
de droite, chroniqueur le midi sur Canal +, un esprit libre un peu
entravé par un coude brisé suite à une chute de vélo.
Brièvement, ils nous parlent des enquêtes ou des films qui, au présent, les occupent.
Interview en face à face entre Jacques Attali et John Paul Lepers
L’enfance en Algérie, son père qui, le jour de l’indépendance a « la
conscience aigue de ce qu’il fallait partir », l’ENA, ce « concours de
beauté », ou la rencontre avec Mitterrand - en boite de nuit, et le
mois de mai 1968 qui le surprend, déjà contradictoire, prof à l’X sur
le lieu des barricades, et sous-préfet, déjà, « chargé du maintien de
l’ordre », dans la Nièvre…
Ci dessous la deuxième partie: L'actualité (Liechstenstein, les enfants et la shoah, le "casse-toi pauvre con!), Sarkozy et Mitterrand...
Les paradis fiscaux : le scandale allemand des comptes au Liechtenstein
La discussion se porte sur l’argent, la morale, la richesse… Pour
lui, le scandale allemand révèle cette « verrue sur l’Europe » que
constitue les paradis fiscaux. Deux immoralités sont en jeu, nous
dit-il : l’immoralité de la pauvreté apparente (on cache une richesse)
et l’immoralité de la richesse sale. Il parle de la France, qui est en
train de changer, mais où longtemps a régné une « conception française
» selon laquelle « le pouvoir est un substitut à l’argent ».
Maintenant, développe t-il, c’est une conception « catholique des
choses »…
Et puis Jacques Attali tient à le souligner, pour lui, l’argent n’est
pas nécessairement sale. La richesse est bienvenue, quand elle se met
au service de la lutte contre la pauvreté. A la question « vous êtes
riche ? » il répond d’abord philosophiquement : « Ah oui, à bien des
points de vue ». Et puis précise : «Je n’ai hérité de rien, j’ai gagné
de l’argent, ce que j’ai gagné avec les livres ».
La proposition présidentielle de parrainage d’enfant juif victime de la Shoah par les élèves de CM2
L’ancien conseiller de François Mitterrand se sent « impliqué dans
l’histoire du peuple juif » mais ne va pas aux « dîners mondains » (en
faisant allusion au dîner du CRIF). Et il avoue : « Quand je l’ai
entendu la première fois, j’ai trouvé ça très bien ». « Mais, le fait
de ne pas l’avoir préparé à l’avance, de ne pas avoir associé celle qui
aurait dû être associé plus que personne (…) Simone Veil me paraît une
erreur ‘tactique’ ». Une chose pourtant l’a choquée, le fait que, dans
le discours, il était question des enfants juifs ‘français’, sachant
qu’il y a « beaucoup plus d’enfants juifs non français que d’enfants
juifs français qui ont été lâchement envoyés dans les camps ». Pourquoi
que les français ? Au final donc, « une bonne idée affreusement mal
présentée, affreusement mal préparée »…
Au passage, il exprime ce regret que, dans notre pays , un vrai travail
sur la collaboration n’ai pas eu lieu … Il parle de ce travail de
mémoire que nous n’avons pas fait, que les Allemands, les Autrichiens
ont fait. Soulignant que les derniers « survivants » vont disparaître…
Et puis forcément, le sujet y mène, il évoque Mitterrand, et donc
Bousquet, bien sûr. Un dîner avec Bousquet, bien avant le livre de
Péan, et ses révélations, au cours duquel Mitterrand, pour explication,
lui souffle : « il a sauvé la vie » à tous ceux qui sont autour de la
table…
le « casse toi pauvre con »
Le visionnage (encore, et encore) de la vidéo du Parisien.fr
entraîne ce petit monde à parler calmement de l’action et de la
majesté, Jacques Attali déplore pourtant la société d’hyper
surveillance généralisée qui est devenue la nôtre et pardonne Nicolas
Sarkozy, « un ami ». « Pas un ami politique, mais un ami personnel ».
On lui demande ce qu’il pense, de la fonction présidentielle qui
s’abîme : « Progressivement, l’Etat s’est dissout dans la réalité de la
globalisation et donc, le Président n’est que l’incarnation de cette
dissolution… Quel qu’il soit… ».
Pour lui, Nicolas Sarkozy a atteint le but de sa vie et désormais, il
s'en cherche un autre... Réformer la France? peut-être, sans doute...
Sarkozy, Jacques Attali l'attend : s'il veut agir, pour moderniser le
pays, affirmer sa stature de chef d'Etat, c'est simple, une seule
fenêtre s'offre à lui : c'est tout de suite, au lendemain des
municipales, avant juin 2009, les prochaines élections...
Et pourtant, devant une vidéo de LaTéléLibre (bientôt diffusée dans son
ensemble) dans laquelle Michel Onfray parle de Nicolas Sarkozy, l'ex
sherpa de Mitterrand dénonce le « très grand danger qui se passe dans
Paris, c’est de faire de la politique comme on fait du Shakespeare,
c’est-à-dire en examinant seulement le caractère d’un homme… ».
Interrogé sur la mise en avant dans les médias des conseillers du
Président de la République, Guéant, Mignon et Guaino, il comprend : «
c’est son choix, je comprends qu’il les laisse parler… » . Toutefois,
il est très ferme sur un point : « Je comprends très mal, je suis même
extrêmement choqué, quand un conseiller dit : c’est moi qui ai écrit un
discours, ça, je trouve ça inacceptable ».
Ci dessous, la troisième partie: Le rapport et la "libération de la croissance française", la séquence au bar avec le comparatif Ségo-Sarko
Le rapport Atalli
C'est l’heure de débattre du rapport de la Commission pour la
libération de la croissance française. « Pour être correct avec
l’histoire, ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui me l’a demandé, c’est
François Fillon».
Un petit zapping vidéo compilant quelques extraits de la période de
réception du rapport, à la fin janvier, parvient enfin à le faire,
grimacer, presque sourire : « Vous ne me reprendrez pas en situation de
repartir dans le jeu des petites phrases, je l’ai fait une fois, ça
suffit, je ne regrette pas de l’avoir fait, mais la parenthèse est
fermée.»
Attali essaye de tenir le cap, se défend, explique que son rapport est un rapport «apolitique » « pour le pays».
Il insiste : « Encore une fois, je n’ai pas demandé à faire ce rapport.
S’il n’est pas mis en œuvre ce ne sera pas notre échec, ce sera l’échec
du pouvoir politique – nous, on a fait notre travail, il faut juger nos
propositions sur ce qu’elles sont, et pas sur leur mise en œuvre ».
Guillaume Duval, l’économiste de la bande est malgré tout sans
vergogne, et Jacques Attali explique, développe, sans relâche. Taxis,
allocations familiales, mobilité sociale, carte scolaire : « La carte
scolaire aujourd’hui est une extraordinaire hypocrisie, chacun sait que
quand quelqu’un a une sorte de possibilité d’ « initié » pour savoir où
mettre ses enfants, il peut le faire, donc la carte scolaire est un
paravent devant une inégalité extrêmement profonde (…) deuxièmement la
vraie question est de créer les conditions de l’égalité des moyens dont
disposent les écoles . »
Les journalistes l’interrogent : un rapport libéral, trop libéral, pas libéral, les blocages français ? Le mal français…
« Le monde évolue vers une économie du savoir, si nous ne faisons pas
monter le niveau de savoir, depuis la maternelle jusqu’à la recherche,
et surtout en allant trouver tous les talents, où qu’ils soient, à
commencer par les quarante pour cent de gamins qui sont au chômage dans
les banlieues, le pays va mourir. »
En creux, sans relâche, cet immobilisme politique « depuis 86 » dit
Attali. Depuis la première cohabitation « rien n’a été fait ». Et
toujours, ce constat : « Je pense que la France dort politiquement, je
ne dis pas socialement, ni économiquement, ni culturellement… »
Et Sarkozy, toujours. A un détour, c'est John Paul qui s’exclame mais
c’est un gouvernement de droite : « ils vont pas donner de l’argent aux
pauvres quand même ! »…
Séquence au bar
Autour d’un verre de blanc, Jacques Attali, qui ne boit pas, dans la
vie, et avoue qu’il n’y connaît rien en vin. Il avale une lichette et
se confie, sur ceux qu’il admire, sur ces passages dans les bidonvilles
lointains, dans le cadre de ses activités avec qui lui permettent, à
lui qui se veut si profondément et « extraordinairement désintéressé»
de relativiser, et puis Ségolène, qui "sera Présidente de la
République", dixit Attali « Pour moi, je n’ai pas le moindre doute
là-dessus… Je le pense depuis le premier jour, depuis le jour où elle
est entrée dans mon bureau.. »
Et Nicolas Sarkozy, il ne l’est pas donc ?
« Il l’est différemment …elle est un homme …une femme d’Etat «
classique » comme on aime en France, c’est à dire qui incarne sérénité,
stabilité, une sécurité, elle est…« royale » voilà… Lui, il incarne un
homme d’Etat… peut-être du XXIème siècle, on ne sait pas… Mais il ne
peut l’être que par la réussite d’une action. S’il n’y a pas de
réussite de l’action, il ne sera pas un homme d’Etat ».
Karin Yaniv
SOUS LES PAVÉS, JACQUES ATTALI
Enregistrée au deuxième sous-sol d’Atlantis, le 28 Février 2008, entre 18H30 et 20H00
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